L’Intelligence Émotionnelle, pilier fondamental des Relations Interpersonnelles et Professionnelles

La dernière réunion du Comité de Recherche (1) s’est ouverte par une rétrospective sur le dernier article (L’élévation de la conscience comme élément central de l’intelligence émotionnelle), dont le succès notable fut attesté par plus de 30 000 vues sur LinkedIn. Cet engouement a suscité également de nombreux commentaires, validant la vocation même de ces rencontres : échanger et partager des connaissances spécifiques liées à l’intelligence émotionnelle.

Dans la continuité de l’exploration des émotions lors de la réunion précédente, l’objectif du jour est clair : se plonger au coeur de l’intelligence émotionnelle elle-même. Conscient de la diversité des définitions de l’IE, le Comité adopte une approche holistique, amalgamant diverses perspectives pour offrir une définition inclusive et éclairée.

Le débat central de cette réunion tourne autour de l’émergence de l’intelligence émotionnelle comme un sujet phare dans la société contemporaine, notamment dans les interactions humaines et le tissu professionnel. Cette exploration approfondie met en lumière les multiples facettes de l’intelligence émotionnelle et son rôle prépondérant dans l’amélioration du bien-être individuel et collectif, ainsi que dans l’optimisation des performances au sein des environnements professionnels. Si initialement deux modèles s’opposaient, l’un prétendant que l’intelligence émotionnelle est une aptitude innée, l’autre la considérant comme une compétence à acquérir, il est désormais admis qu’elle combine habilement des aspects à la fois innés et acquis, renforçant son caractère évolutif et dynamique grâce à l’apprentissage continu. Dans le souci d’approfondir cette dimension spécifique, les membres du comité ont étudié deux articles scientifiques en préparation de la réunion : « Increasing emotional intelligence: (How) is it possible? » (2) et « Emotional plasticity: conditions and effects of improving emotional competence in adulthood » (3).

Ces recherches visent à répondre aux questions fondamentales sur l’intérêt de l’intelligence émotionnelle et ses méthodes d’évaluation.

Les résultats des deux études sont sans équivoque : la formation et l’entraînement sont des catalyseurs puissants pour développer significativement les capacités en intelligence émotionnelle. Les groupes ayant bénéficié d’une formation adaptée (4) et d’un suivi individuel post-formation ont montré des améliorations remarquables et durables (5). Le renforcement des compétences en intelligence émotionnelle se manifeste par une amélioration considérable de l’identification, de la compréhension et de la régulation des émotions. De plus, il entraîne une réduction significative du stress perçu et objectif, une diminution des plaintes somatiques, ainsi qu’une amélioration substantielle de la satisfaction à l’égard de la vie et des relations sociales auto déclarées et rapportées par autrui. En outre, ces améliorations ne semblent dépendre ni de l’âge, ni du genre, ni d’un niveau de base nécessaire en IE pour progresser. Mieux encore, ce sont les participants qui ont démarré avec le niveau le plus faible qui ont vu les plus fortes améliorations. Il est également important de souligner que les bénéfices et résultats positifs issus d’une formation spécialisée ne se limitent pas à des avantages immédiats, mais se révèlent être des investissements durables à long terme.

L’intégration d’une perspective bipartite dans l’évaluation des compétences émotionnelles dans ces études est cruciale, ajoutant une dimension subjective et intersubjective à l’intelligence émotionnelle. Le modèle d’évaluation EQ-i 2.0de Bar-On, fondé sur 15 compétences observables et utilisé par plusieurs membres du comité dans leur pratique, est alors présenté comme un outil de diagnostic valide et fiable. Il est cependant souligné qu’il est nécessaire de tenir compte des biais potentiels de l’auto-évaluation (6).

La conclusion percutante de ces études démontre donc que la formation en intelligence émotionnelle est un véritable catalyseur du développement individuel et de la promotion d’une vie équilibrée. Les études citées plaident également en faveur d’un effet réel et mesurable d’une formation dotée d’une méthodologie appropriée, à la seule condition, pour l’apprenant, d’être motivé (7) par le changement. Par conséquent, le comité insiste sur la nécessité d’une approche concrète et d’applications pratiques, en particulier dans les domaines de l’identification, la compréhension et la régulation des émotions, de l’expression émotionnelle et de la qualité relationnelle. Ces composantes sont désignées comme des piliers fondamentaux de l’intelligence émotionnelle, façonnant ainsi un chemin vers l’épanouissement.

Les discussions convergent naturellement vers la notion d’intelligence émotionnelle en tant que composante clé du bonheur et de la réussite, soulignant ainsi son rôle dans l’épanouissement humain. Ces échanges suscitent une réflexion approfondie sur les notions de bonheur, de développement personnel et d’accomplissement. La distinction entre bonheur hédonique (8) et eudémonique(9) est soulevée, mettant en avant leur complémentarité pour un épanouissement global. La réflexion s’étend à la compréhension du bien-être, remettant en question sa relation avec le confort. Les discussions autour des diverses approches du bien-être, particulièrement entre la recherche de gratifications immédiates ou différées, soulignent l’importance d’instaurer un équilibre : notion émergeante comme essentielle dans le contexte des émotions et de l’intelligence émotionnelle.

Il est souligné que la tension, liée au manque, est à l’origine même de la recherche du bien-être, motivant ainsi l’intérêt pour l’intelligence émotionnelle, même si la manière de gérer ou d’éliminer cette tension reste à définir. Il est crucial de noter que l’application quotidienne de l’intelligence émotionnelle n’est pas dépourvue de défis. Une sensibilité accrue aux stimuli émotionnels peut parfois entraîner l’évitement des conflits ou la dissimulation des émotions, suscitant potentiellement des frustrations. Cependant, l’intelligence émotionnelle est également perçue comme un processus d’apprentissage continu, permettant aux individus de mieux se comprendre et de s’améliorer.

De surcroît, une notion innovante émerge en conclusion de la réunion, suggérant que l’intelligence émotionnelle pourrait être envisagée comme une forme d’esthétisme (10). Que ce soit dans le domaine relationnel, communicationnel ou dans les efforts de créativité et de co-construction, elle semble insuffler une dimension esthétique à la dynamique humaine. Cette perspective résonne avec les témoignages de ceux qui, motivés et investis, développent véritablement leur intelligence émotionnelle. Ces individus font état d’un bien-être accru, de relations plus équilibrées, d’une réduction des conflits et de l’anxiété, d’un sentiment de fierté découlant de la capacité à exprimer leurs émotions et leurs idées avec plus de courage, de finesse et de sensibilité.

La régulation émotionnelle, en tant que composante majeure de l’intelligence émotionnelle, ouvre naturellement la voie à la prochaine étape de cette recherche passionnante : l’exploration approfondie des stratégies de régulation émotionnelle. Un nouveau chapitre s’ouvre, promettant de révéler des clés essentielles pour améliorer le traitement du signal émotionnel et ainsi optimiser cette intelligence qui, de plus en plus, se révèle être le socle fondamental de l’épanouissement individuel et collectif.

Et vous ? Quelles stratégies de régulation émotionnelle appliquez-vous dans votre vie quotidienne ? Partagez nous vos expériences en commentaires !

(1) Le comité de Recherche est composé de : Lucie Lauras, Boris Lehmann, Philippe Roche, Bernard Anselem, Catherine Denner, Sophie Giquel, Georges Landes et Christèle Camelis

(2) D. Nelis, J. Quoidbach, M. Mikolajczak et M. Hansenne (2009)

(3) I. Kotsou, D. Nelis, J. Grégoire, et M. Mikolajczak (2011)

(4) Le premier échantillon était composé de 37 participants : 19 ont bénéficié de la formation et 18 étaient affecté au groupe de contrôle (sans formation) . Le second échantillon était composé de 132 participants : 72 ont bénéficié de la formation et 60 ont été affecté au groupe de contrôle. La formation consistait en 4 sessions de 2,5 heures réparties sur une période de 4 semaines visant 4 objectifs:

• La perception, l’évaluation et l’exploration des émotions
• La facilitation émotionnelle
• La compréhension et l’analyse des émotions
• La régulation réfléchie des émotions

(5) Les différentes mesures ont été répétées à 3 reprises : avant la formation, à la fin de l’intervention et 6 mois ou 1 an plus tard. Étaient mesurés : le bien être, la maîtrise de soi, l’émotivité, la sociabilité, la satisfaction à l’égard de la vie, le stress perçu, le taux de cortisol, les plaintes somatiques, la qualité des relations, la qualité des relations rapportée par autrui.

(6) L’auto-évaluation correspondant à une perception subjective de son quotient émotionnel, des biais tels que la désirabilité, l’impression positive ou négative sont à prendre en compte. Comme vu précédemment, la comparaison de l’auto-évaluation avec l’évaluation par autrui permet d’élargir les perspectives.

(7) Tous les participants des études étaient en effet motivés : ils avaient dû rédiger une lettre de motivation pour pouvoir y participer.

(8) Le bonheur hédonique repose sur la quête du plaisir immédiat et la satisfaction des désirs personnels.

(9) Le bonheur eudémonique met l’accent sur la réalisation de son potentiel, de la poursuite de la signification et du sens dans la vie

(10) Le mot esthétique est dérivé du grec αίσθησιs / aisthesis signifiant beauté/sensation. L’esthétique définit étymologiquement la science du sensible et des sens. Extrait Esthétique — Wikipédia (wikipedia.org)