L’élévation de la conscience comme élément central de l’intelligence émotionnelle
Le 19 septembre dernier s’est réuni pour la première fois le Comité de Recherche du Centre de l’Intelligence Emotionnelle (CIE). C’est l’enthousiasme qui a donné le ton de l’échange, tant le sujet est riche et les membres passionnés … Au programme de cette première rencontre : faire connaissance, amorcer les premiers échanges et bâtir ensemble la direction et l’ambition de ce Comité.
Un Comité de Recherche, pour quoi faire ?
C’est bien de recherche et d’exploration qu’il s’agit pour ce collectif qui rassemble neuf participants venant d’univers différents, tous passionnés par l’humain et par l’intelligence émotionnelle. Réunis sous l’impulsion de Lucie Lauras, Directrice du CIE, les participants se sont rapidement présentés (1). Les objectifs et enjeux du comité ont été posés, permettant à la première discussion majeure de démarrer rapidement : l’élévation de la conscience comme élément central de l’intelligence émotionnelle.
Objectifs et enjeux du comité
Le regard croisé des différents participants, riches de leurs expériences variées, permettra au Comité de proposer une réflexion utile et pédagogique sur l’application de l’intelligence émotionnelle au quotidien.
Le Comité se réunira régulièrement et partagera ses comptes-rendus avec pour objectif d’apporter des clés simples et accessibles à tous sur cette forme d’intelligence. L’enjeu est de rester centré sur les questions fondamentales, ce qui n’est pas chose facile tant le sujet des émotions peut rapidement s’étendre.
Le comité s’intéressera particulièrement aux spécificités de nos constructions émotionnelles, notamment culturelles ou liées à l’éducation et à leur impact sur nos vies personnelles et professionnelles. Autour de ces questions, chacun partagera ses lectures, ses travaux, études et références autant que ses propres expériences afin de poser de quoi réfléchir ensemble, dans un débat d’idées qui se veut fertile, nuancé et parfois contradictoire.
Vers une définition de l’émotion
Lorsque le sujet de l’intelligence émotionnelle est abordé, la question de la définition de l’émotion surgit immédiatement : qu’est-ce qu’une émotion ?
Cet exercice d’une définition, beaucoup l’ont tenté avant nous : plus de 90 définitions ont été répertoriées (2) tant ce concept est complexe et multifacette.
Il a été étudié et interprété de différentes manières par des chercheurs en psychologie, philosophie, neurobiologie et sciences sociales.
Si l’on s’accorde à dire que les émotions sont généralement considérées comme des réponses subjectives à des stimuli internes ou externes impliquant des changements physiologiques, cognitifs et comportementaux, une définition a fait consensus dans le groupe : « L’émotion est une réaction du corps à une information considérée comme importante pour l’organisme » (3)
Cette approche met en effet l’accent sur le caractère subjectif et personnel de l’émotion. Ce qu’elle souligne, c’est l’importance de l’émotion face à la perception de changements dans l’environnement pour la survie et le bien-être de l’organisme. Le caractère impérieux de l’alerte prend ici toute son importance.
La définition proposée par le psychiatre Christophe André (4) leur est apparu comme toute aussi pertinente pour mettre en évidence la puissance de l’émotion : « Une émotion est avant tout une réaction. Une réaction automatique qu’on ne peut pas empêcher d’apparaître ou forcer à disparaître, une réaction globale qui implique et notre corps et notre esprit, une réaction influente qui transforme notre comportement ou notre vision du monde. »
Un déclic pour activer l’intelligence émotionnelle
Une fois la définition validée, la question de l’intelligence émotionnelle se pose. Là encore la définition et le terme utilisé en lui-même, « l’intelligence émotionnelle » se présente naturellement comme un point de méthode fondamental sur lequel le Comité devra se poser. Pour l’heure, les participants se doivent de rester focalisés sur la question à l’ordre du jour : Comment le déclic permettant à l’intelligence émotionnelle de s’activer s’opère-t-il ? Le groupe se met d’accord pour le moment pour entendre l’intelligence émotionnelle comme la capacité à percevoir, identifier, comprendre, analyser, utiliser ou encore rester lucide et clairvoyant face aux émotions.
Chacun évoque naturellement les difficultés rencontrées dans sa pratique : comment ne pas subir ses émotions, pouvoir les réguler et savoir quoi en faire. Un des participants (5) rappelle alors et à juste titre que les philosophes se sont eux aussi posé ces questions, en citant Platon qui a pris la position de couper totalement l’intelligence de la sensibilité et Kant qui au contraire, a réhabilité la sensibilité comme fondamentale à toute connaissance.
Le partage d’expériences, qu’elles soient personnelles ou observées dans leurs pratiques professionnelles, invite les participants à poser le caractère subjectif de l’émotion comme une première clé fondamentale. Un aparté sur la pathologie met en avant l’importance des circuits cognitifs, qui, lorsqu’ils sont inhibés, freinés ou bridés semblent empêcher l’émotion de renseigner correctement le sujet. Nul besoin d’aller jusque-là pour se rendre compte de l’impact des émotions sur les pensées et les comportements, et observer que le résultat qui en découle peut s’avérer efficace et créatif ou au contraire aggravant ou destructeur. Force est de constater qu’il est parfois bien difficile d’utiliser ses émotions de manière réfléchie et raisonnée et d’agir en toute intelligence. « La machine à traiter les émotions à laquelle s’apparente un cerveau humain connait parfois, par excès ou par défaut de fonctionnement, de nombreux ratés » (6).
Il apparait alors comme une évidence que pour faire de nos émotions des alliées et non des ennemies, il « suffirait » d’intégrer cette caractéristique capitale : l’émotion n’est pas une vérité, elle n’est qu’un signal lié à une interprétation subjective de la situation.
Convenir que, quand l’émotion survient, faire systématiquement un pas de côté pour mettre sur pause afin de la voir pour ce qu’elle est, permet de fait de ne pas la laisser prendre les commandes. La reconnaître et la nommer constitue en effet la première étape indispensable pour pouvoir ensuite utiliser l’intelligence émotionnelle. L’émotion offre ainsi un lieu de rencontre avec soi-même, où chacun a la capacité de se responsabiliser en restant maître de ces décisions et de ses actions.
La réunion se termine par cette première conclusion : la clé permettant d’activer une intelligence et une prise de décision efficace, quel que soit le contexte émotionnel, réside dans la capacité à éveiller et élever sa conscience. Cela implique de prendre systématiquement de la hauteur par rapport à ses émotions, de les observer, de les écouter attentivement et de les comprendre en profondeur pour pouvoir ensuite agir de manière éclairée et constructive.
Le lien entre intelligence émotionnelle et prise de décision est alors mis en évidence et devient un des sujets de réflexion sur lequel le Comité reviendra prochainement.
Avant d’aborder cette connexion, le Comité mettra à l’étude, pour sa prochaine rencontre du 5 décembre, le terme d’« intelligence émotionnelle » lui-même, en se posant ces questions :
- Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle et à quoi sert-elle ?
- Comment pourrions-nous la renommer ?
Chaque participant est invité à y réfléchir en fonction de ses connaissances, courants théoriques et de ses expériences significatives. Chacun pourra partager des articles et proposer son éclairage.
A vous de jouer !
L’intelligence émotionnelle commençant par ce « déclic », nous vous invitons à partager vos expériences : qu’est-ce qui vous a permis de l’activer ? Vos récits sont précieux. En les partageant en commentaires, vous contribuerez à enrichir la réflexion.
1. Lucie Lauras – Directrice du CIE
Bernard Anselem – Médecin – Master neuropsychologie, Auteur, Conférencier
Sophie Avril – Ex-journaliste – Coach consultante
Sophie Giquel – Ex-athlète de haut niveau – Coach Performance
Georges Landes – Leadership Coach, Intervenant Cedep/Insead, Airbus Leadership University
Boris Lehmann – Coach consultant expert en EQ-i
Philippe Roche – Psychiatre, Psychothérapeute, Conférencier
Christèle Camelis – Enseignante, chercheur en sciences de gestion et du management
2. PLUTCHIK R., The nature of emotions, American Scientist, 89.344, 2001.
3. K Scherer : « Une émotion est un ensemble de variations transitoires dans plusieurs composantes de l’organisme en réponse à des événements évalués comme importants » SCHERER K. R., What are emotions? And how can they be measured?, Social Science Information, 44: 693-727, 2005.
4. Christophe André : Psychiatre et psychothérapeute
6. Bruno Humbeeck « L’intelligence émotionnelle chez l’enfant »